Mark MacGann, le lanceur d’alerte des « Uber Files », se dévoile


PortraitLe lobbyiste irlandais a été, durant deux ans, l’un des principaux responsables des affaires publiques d’Uber. C’est lui qui a transmis au « Guardian » les 124 000 documents qui constituent les « Uber Files ».

Après avoir travaillé des années comme homme de l’ombre et lobbyiste, il a choisi de devenir lanceur d’alerte et assume pleinement cette décision en révélant aujourd’hui son identité. Mark MacGann, 52 ans, ancien responsable du lobbying d’Uber pour l’Europe de l’Ouest, l’Afrique et le Moyen-Orient, est l’homme qui a transmis au quotidien britannique The Guardian les centaines de milliers de messages et documents internes d’Uber qui constituent les « Uber Files ».

« Uber Files », une enquête internationale

« Uber Files » est une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber adressés par une source anonyme au quotidien britannique The Guardian, et transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et à 42 médias partenaires, dont Le Monde.

Courriels, présentations, comptes rendus de réunion… Ces 124 000 documents, datés de 2013 à 2017, offrent une plongée rare dans les arcanes d’une start-up qui cherchait alors à s’implanter dans les métropoles du monde entier malgré un contexte réglementaire défavorable. Ils détaillent la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire évoluer la loi à son avantage.

Les « Uber Files » révèlent aussi comment le groupe californien, déterminé à s’imposer par le fait accompli et, au besoin, en opérant dans l’illégalité, a mis en œuvre des pratiques jouant volontairement avec les limites de la loi, ou pouvant s’apparenter à de l’obstruction judiciaire face aux enquêtes dont il faisait l’objet.

Retrouvez tous nos articles de l’enquête « Uber Files »

« Les investisseurs comme les politiques se précipitaient de la même manière pour rencontrer Uber et écouter ce que nous proposions » Mark MacGann

C’est la première fois qu’un lobbyiste d’aussi haut niveau décide de devenir lanceur d’alerte. M. MacGann, volubile Irlandais qui parle aussi un français parfait, a détaillé ses motivations dans un entretien au Guardian, expliquant vouloir réparer, au moins en partie, les torts qu’il avait aidé à causer. « J’étais là, à l’époque. J’étais celui qui parlait aux gouvernements, qui tentait de faire progresser Uber auprès des médias. J’étais celui qui disait qu’il fallait changer les règles parce que les chauffeurs allaient en bénéficier et qu’il y aurait d’énormes opportunités économiques », explique-t-il. Mais « il s’est avéré que ça n’était pas le cas. Il était clair que nous avions vendu un mensonge à tout le monde ».

Et l’on se pressait au portillon pour écouter ce « mensonge » : « Uber était à ce moment-là l’entreprise la plus courue du monde de la tech, et même au-delà. Les investisseurs comme les politiques se précipitaient de la même manière pour rencontrer Uber et écouter ce que nous proposions », se remémore l’ancien lobbyiste, pour qui cette situation était, professionnellement, « grisante ».

Culture interne agressive

M. MacGann, qui fut auparavant lobbyiste à Bruxelles pour le New York Stock Exchange, n’a pas la naïveté de penser que sa mission chez Uber consistait à ne dire que la vérité. Mais il dit avoir trouvé dans l’entreprise une culture interne particulièrement agressive. « La devise qui se répétait de bureau à bureau venait du sommet de la hiérarchie : ne demandez pas la permission, lancez le service, recrutez des chauffeurs, faites la promotion du service, et très vite les gens se rendront compte qu’Uber est un service génial. » Qu’importe si, dans presque toutes les villes où Uber se lance au début des années 2010, le service est illégal. « Dans la plupart des pays sous ma responsabilité, Uber n’était pas autorisé, n’était pas permis, n’était pas légal », reconnaît d’ailleurs M. MacGann. Pour lui, un point de bascule se produit en 2015, lors des violentes manifestations de taxis en France, durant lesquelles plusieurs chauffeurs Uber et leurs clients sont physiquement pris à partie.

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